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![]() Le rédacteur de cet article est H. Denglos, un des administrateurs de la Société du Métropolitain. Les illustrations sont de Louis Gaumont. Source : Archives personnelles |
Le Métropolitain

La ville de Paris est aussi coquette que les femmes qui en sont l'ornement. Elle attache autant de prix à la parure du dessous qu'à celle du dessus. Déjà, le Paris souterrain était fier de la splendeur de ses égouts. A présent, une autre hypogée, encore plus magnifique, se prépare. La première section du chemin de fer métropolitain, qui va être incessamment ouverte, sera l'un des clous de l'Exposition.
On ne sait, en effet, ce qu'il convient de plus admirer : l'utilité du travail ou sa beauté. Le Métropolitain est une œuvre démocratique, destinée au service de tous, particulièrement des plus humbles. Mais une riche République, telle que la nôtre, veut qu'un peu de luxe, beaucoup d'art, ajoutent un agrément, une satisfaction esthétique, à l'accomplissement des plus vulgaires nécessités de l'existence citadine : par exemple, les transports à bon marché. Tous nos citoyens ont droit d'être traités en princes, c'est-à-dire de jouir d'un confort et d'une élégance relative, lorsqu'ils profitent des travaux destinés à la collectivité. Voilà pourquoi [e Métropolitain de Paris ne ressemble en rien à celte cave profonde, noire, fumeuse, bruyante, qui est le Métropolitain de Londres.

Photo : bifurcation de la boucle de la Porte Maillot
N'est-ce pas un enchanteur qui. d'un coup de baguette, a fait surgir, au bord de la Seine, là où les quais mêmes semblaient un peu étroits, toute une ville ample et somptueuse, avec ses palais, ses dômes, ses minarets, ses grandioses architectures? Mais cette ville de l'Exposition est destinée à disparaître comme elle est venue. Au contraire, le Métropolitain, si rapidement construit, est œuvre durable, c'est une acquisition pour toujours. Ce n'en est pas moins un moyen de locomotion beaucoup plus merveilleux que le cheval de bois des Mille et une Nuits. Celui-ci voyageait à travers les airs, dans le ciel étoile. Le Métropolitain voyage sous terre et avec une vitesse assurément supérieure à celle du vent : ce qui est beaucoup plus étonnant. De plus, sous terre même, dans cette région des taupes, le Métropolitain traverse une clarté plus brillante que celle du jour, projetée par des étoiles plus nombreuses que celles du firmament, puisque notre-œil ne perçoit que 5.000 astres fixes, et que les voûtes d'une seule section du Métropolitain sont illuminées par 6.000 lampes à incandescence. Ainsi, le passant qui a besoin de se transporter à l'autre bout de la capitale n'a qu'à prendre la peine de descendre quelques marches pour entrer, non pas dans le royaume des ombres, mais dans celui de la perpétuelle lumière, où il n'y a ni jour ni nuit, et aussi dans celui de la vitesse, car, en quelques minutes, il est projeté de la porte de Vincennes à la porte Maillot! Comme les démons, il s'enfonce sous terre pour en ressortir brusquement plus loin, à une énorme distance.
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Fiacres, omnibus, tramways, bicyclettes mêmes ne sont pas de force à se mesurer avec l'électricité qui produit des miracles.
La section dont les travaux s'achèvent n'est qu'une petite partie du réseau total qui a été concédé à la Société du Métropolitain. A l'approche de l'Exposition, il convenait de pourvoir tout de suite au plus urgent besoin. Il fallait tout d'abord supprimer la distance entre l'Est de Paris et cette vaste région de l'Ouest, où vont s'étaler les merveilles de la grande foire internationale. La principale circulation de Paris constitue un courant d'êtres humains qui suit la direction du levant au couchant, et Vice versa. La ligne d'omnibus la plus fréquentée va de la Bastille à la Madeleine. La population suit, le plus f habituellement, la vallée de la Seine. Les relations sont plus fréquentes entre le Faubourg Saint-Antoine et les Champs-Élysées qu'entre Montmartre et Montrouge. Quand l'Exposition sera ouverte, c'est la place de la Concorde qui sera le grand centre d'attraction.
Aussi, fallait-il dégager les boulevards, la rue de Rivoli, ces voies encombrées au point de devenir impraticables, la Seine elle même, dont le service de bateaux eût été insuffisant.
CE QUE SERA LE RESEAU

On a donc construit d'abord la section A de la concession, celle qui part de la Porte de Vincennes et aboutit à la Porte-Maillot, avec stations intermédiaires à la place de la Nation, à la rue de Reuilly, à la gare de Lyon, où les voyageurs des trains de P.-L.-M. trouveront le moyen d'être transportés presque instantanément dans les quartiers de l'Ouest; à la place de la Bastille, où se donnent rendez-vous tant de tramways suburbains et de lignes d'omnibus; à l'Eglise Saint-Paul, à l'Hôtel de Ville, au Châtelet, au Louvre, au Palais-Royal, aux Tuileries, à la place de la Concorde, où se trouve la Porte principale et monumentale de l'Exposition ; aux nouveaux palais des Champs-Elysées, à la rue Marbeuf, à l'avenue de l'Alma, à l'Arc de Triomphe de l'Etoile, à la rue d'Obligado, et enfin à la Porte-Maillot. En tout, 16 stations intermédiaires.

La Direction du Métropolitain, par cette grande artère centrale, a pourvu au plus pressé et au plus utile.
Photo : Porte-Maillot. — La boucle partie gauche
Mais ce n'est qu'un commencement. La section B, qui sera construite ensuite, suivra tous les anciens boulevards extérieurs, formant ainsi un anneau intérieur au chemin de fer actuel de ceinture. Cette voie franchira la Seine, à l'Ouest, sur un pont qui rejoindra le quai de Passy à Grenelle, avec point d'appui sur la longue et étroite île des Cygnes; et, à l'est, sur un pont joignant le quai d'Austerlitz au quai de la Râpée.
La section C se détachera de la station de l'avenue de Villiers (sur la section B) pour desservir la gare Saint-Lazare, l'Opéra, la Bourse, le quartier du Sentier, la place de la République, et rejoindre la ligne circulaire au boulevard de Ménilmontant.

Du boulevard de Strasbourg partira la section E. qui constitue un raccordement entre la gare de l'Est et le pont d'Austerlitz.
Photo : Porte-Maillot. - La boucle partie droite
Enfin, la section F reliera le Pont d Austerlitz à la place d'Italie.
Ultérieurement, cet immense réseau pourra être complété par une ligne allant en biais de la place du Danube, située entre les Prés Saint-Gervais et les Buttes-Chaumont, à l'Opéra, en suivant la rue Lafayette ; de l'Opéra aux Invalides, et de là à Grenelle, au Point-du-Jour, et aboutissant au boulevard Murat, à l'extrémité du Bois de Boulogne.

Nos rues étaient devenues trop étroites pour le flot sans cesse grandissant de la population. Le Métropolitain est une ville nouvelle et souterraine. au\ voies innombrables, qui absorbera le trop plein de la superficie! Un immense service aura été rendu aux Parisiens.
Il est difficile d'imaginer la somme énorme de travail que représente l'achèvement de la section qui va prochainement être mise en exploitation.
La Ville de Paris a été chargée d'exécuter tous les travaux souterrains, ainsi que les tranchées et viaducs nécessaires à l'établissement de la plateforme et les quais des stations. Ce sont donc nos ingénieurs municipaux qui ont construit ce long tunnel: car, presque nulle part, dans le trajet de la Porte de Vincennes au Bois de Boulogne, le soleil n'éclaire ce chemin de fer.
Photo : Place de l'Etoile - La Charpente après l'effondrement
SOUS L'ÉPIDERME DE PARIS

Mais percer une ville populeuse, la traverser de part en part, sans qu'elle soit trop incommodée en son mouvement, ouvrir une galerie de plusieurs kilomètres dans un sol pour ainsi dire vivant, sensible, car il est associé à la vie même de tous les habitants qui le couvrent, voilà une entreprise vraiment extraordinaire.
On ne pouvait songer, comme à Londres, à s'engager profondément sous la surface et sous les constructions. Le métropolitain londonien circule à quinze OU dix-huit mètres au-dessous du niveau de la rue. A Paris, il ne fallait rien tenter de semblable.

Photo : Déblaiement des matériaux à l'Etoile.

Quant aux maisons, si hautes, si pesantes, on devine avec quelle précaution il a fallu les approcher.
L'œuvre ne s'est pas accomplie sans quelques accidents, sans éboulements, sans mécomptes. Enfin on en est venu à bout.

Nous avons interrogé un ingénieur, qui nous a dit que la courbe du Métropolitain n'affectait aucune figure géométrique connue. Il serait impossible d'en établir les coordonnées; c'est une courbe arbitraire et empirique. On dit qu'elle offre une remarquable solidité. Sous la plateforme de la voie, la courbe se continue en section d'ellipse très allongée, pour permettre à la Compagnie d'établir les fils conducteurs de l'électricité qui alimenteront la force motrice.

Vers les stations, la voie s'élargit. Pour les principales, le toit est plat, formé de poutres métalliques, avec toiture de verre épais, pour donner la lumière : pour les moindres, la voûte s'est simplement élargie. Aux environs des grandes gares, les parois sont revêtues d'une brique émaillée blanche, du plus féerique effet, lorsque cette surface brillante reflète la clarté d'un nombre considérable de lampes électriques. L'atmosphère elle-même devient lumineuse, et la lumière ainsi diffusée forme comme un brouillard d'argent. Ce sera une des nouvelles curiosités de Paris.
Comme nous l'avons dit, il n'y a guère plus de sept à huit mètres entre l'extrémité inférieure du tunnel et le niveau de la rue.
La Compagnie a dû être parcimonieuse de cet espace, si minime, pour tout ce qui doit le remplir.

Photo : Transport d'un wagonnet
On descendra par un escalier à une plateforme où se trouveront les bureaux de distribution; puis, si l'on veut traverser la voie, on franchira la passerelle. Mais on n'avait pas un centimètre à perdre pour rendre cette passerelle accessible aux tailles un peu hautes, et pour réserver aux trains la place nécessaire à leur passage. Les passerelles sont à deux mètres dix au-dessous du plafond. Les cuirassiers, même avec leur casque, ne seront pas obligés de se baisser. Autrefois, les tambours-majors y eussent risqué d'abaisser leurs plumets : on sait que cet appendice a été supprimé dans l'armée républicaine. Quant aux géants de
Music-hall, aux Tartares phénoménaux, ou aux imposantes Circassiennes, ils seront obligés de s'incliner un peu. Mais, quiconque s'élève au-dessus des autres hommes doit supporter les inconvénients de la grandeur.

électrique; il n'y a ni tuyaux de locomotive, ni dégagement de vapeur et de fumée.
Photo : Gare des Champs-Elysées
Nous avons dit qu'on descendrait aux guichets par des escaliers. Ils seront assez larges pour permettre à trois personnes de corpulence raisonnable de passer de front. Il n'y a donc pas à craindre trop d'encombrement, du moins quand le temps sera beau. Quand il pleuvra, les parapluies deviendront gênants.
Est-ce donc qu'il pleuvra donc dans le Métropolitain ? demandez-vous avec épouvante. Dans le Métropolitain, non; mais sur l'escalier qui y conduit, c'est autre chose!

En effet, la Ville, toujours dans un but de "servitude esthétique", comme dit M. Leygues, a interdit à la Compagnie d'élever aucun édicule au-dessus des trous par où l'on accède au souterrain, dans tout l'espace compris entre l'Hôtel de Ville et la place de l'Etoile. Elle a autorisé seulement une petite barrière, pour empêcher- les astrologues ou les gens distraits de sentir brusquement le sol manquer sous leurs pieds.
Alors, s'il pleut, les voyageurs garderont leurs parapluies ouverts jusqu'à ce qu'ils aient pénétré sous la voûte.
Il est probable que le public réclamera, et que ses réclamations feront fléchir les esthètes de l'Hôtel de Ville. Dans un temps prochain, on permettra sans doute les abris.
Oh! ces abris ou édicules! Ils ont fourni amples travaux aux architectes, aux Commissions, au Conseil municipal !

Photo : Gare du Palais-Royal
On s est adressé à un très éminent architecte de la Ville, dont le projet avait été agréé par la Compagnie, mais fut rejeté par la Commission municipale.
Enfin, on a demandé un dessin à un artiste très original : M. Guimard, constructeur d'une maison remarquable et primée, à Passy. M. Guimard a fourni un modèle tout à fait imprévu et nouveau. Son édicule ressemble à une libellule aux ailes étincelantes et déployées, sous lesquelles s'abriteront les voyageurs, pendant leur descente à l'agréable enfer du Métropolitain. Ce modèle a rallié tous les suffrages, et les libellules de M. Guimard ont chance d'émerveiller la population, entre la porte de Vincennes et l'Hôtel de Ville, entre l'Arc de Triomphe, la Porte-Maillot et la Porte Dauphine.
TOUT A L'ÉLECTRICITÉ!

La force motrice est actionnée par l'électricité, que distribue un fil placé au-dessous de la voie. Le système est analogue à celui des tramways à fil aérien, sauf que le fil métropolitain est souterrain. La communication s'établit avec la même facilité, à l'aide d'une tige plongeante, au lieu d'être ascendante. Le courant procure à la fois la force de propulsion et l'éclairage intérieur des wagons.
Cette machinerie tient très peu de place. Comme chaque train comprendra trois voitures, la première sera seule munie de l'appareil de traction.
La largeur des voitures est fixée à 2m 40, toutes saillies comprises; la largeur de la voie ferrée, entre les bords inférieurs des rails, étant de 1m 44 cent. La hauteur sera d'environ 2 mètres. Les places seront commodément aménagées sur des banquettes doubles, à dossier commun avec couloir central.

L'éclairage sera puissant : il sera donné, dans chaque voiture, par six lampes à incandescence, donnant une lumière de près de cent bougies. La voûte étant également très lumineuse, puisque les foyers d'éclairage n'y sont pas ménagés, nous avons eu raison de dire que cette voie souterraine était le royaume de la clarté.
Photo : Place de la Concorde - Tuileries
Nul besoin, pendant les rapides et courts trajets, cl interrompre la lecture du journal favori ou du roman palpitant. Les gens d'affaires continueront le dépouillement des dossiers ou de la correspondance. Car il ne faut guère compter sur la distraction du paysage pour occuper les quelques minutes consacrées au transport. Le sommeil même n'est pas permis, à cause de la brièveté du parcours. Il était donc nécessaire de répandre la lumière sans compter, afin que les voyageurs ne regrettent pas la lumière du soleil. Au contraire, en ces régions inférieures, les nuages, les alternatives du jour et de la nuit, les éclipses seront inconnus. Il y aura là une lueur brillante toujours égale, un calme perpétuel, que ne troubleront ni les orages, ni les pluies, ni les bourrasques. Ce sera l'éternel midi d'un printemps délicieux. : Oui, parce que la température y sera toujours uniformément douce. On sait que les sous-sols donnent la fraîcheur en été. la tiédeur en hiver.

Par les plus grands froids, jamais le thermomètre n'approchera même de zéro, dans la galerie du Métropolitain. Les lampes à incandescence donnent une faible chaleur, qui. répandue sous les voûtes, pénétrera l'atmosphère et la rendra délicieusement agréable, tandis qu'au dehors les piétons, les voyageurs d'omnibus, et même les infortunés clients des fiacres promèneront des nez rouges, des oreilles glacées, des mains couvertes d'engelures et de crevasses, et recueilleront, sur leur parcours, d'amples provisions de rhumes de cerveau et de bronchites. La Société du Métropolitain, qui n'a pas à se préoccuper du chauffage de ses galeries, puisque la nature et les lampes électriques s'en chargent, a néanmoins pris en pitié les pieds gelés ou humides que ses voyageurs apporteront en ses voitures. Mais comment faire ? La voie métropolitaine est un enfer, mais un enfer où le feu est interdit. L'élément destructeur en est impitoyablement banni, sauf au bout des cigares et des cigarettes tolérés dans les voitures réservées aux fumeurs. Mais le feu reste étranger au chauffage et à l'éclairage de ces souterrains, comme à la traction des trains. Pas de prise de vapeur à la machine pour faire circuler sous les banquettes, puisque les machines marchent sans vapeur.
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Le système des bouillottes est suranné, compliqué, dispendieux. C'est le fléau des trains qui sillonnent la surface du globe. On sait que la bouillotte n'observe jamais la température moyenne. Elle brûle ou elle gèle. On n'en peut approcher les chaussures tant elle est chaude, ou on les en écarte avec horreur, tant elle est froide!

Ce sera donc un plaisir et un soulagement à toutes les petites misères humaines que de confier son corps à ces trains souterrains. Le seul inconvénient, c'est que le trajet sera très bref,
Les stations sont rapprochées; mais, entre chaque station, la vitesse sera considérable. Les arrêts
n'excéderont pas 20 ou 25 secondes, parce que les trains sont très courts, trois voitures au plus, et le Métropolitain ne transporte pas les gros bagages. Les trains seront aussi tellement fréquents, dans
les deux sens, qu'il n'y aura pas besoin de consulter l'horaire. Donc, pas de retards, pas d'encombrements, pas de bousculades pour chercher sa place. S'il y a presse exceptionnelle, un couloir est ménagé entre les banquettes. Les jeunes gens des deux sexes pourront s'y tenir debout. Qu'importe, pour quelques minutes?

Même sous ces voûtes, parfois étroites, on n'entendra aucun tapage. Rien qui ressemble à ce fracas des tunnels, où tous les heurts des pistons de la machine, tous les grincements des pièces métalliques, tous les soubresauts des ressorts, multipliés à l'infini par les échos de la galerie produisent des bruits effroyables, des éclats intolérables aux oreilles délicates. Le train marchera à peu près silencieux, produisant tout au plus une rumeur sourde et continue, qui ne gênera même pas la conversation. Mais où se trouvera cet immense réservoir de fluide électrique, capable de mettre en action tant de trains, de donner tant de lumière, de force et de chaleur?
La Compagnie construit, au quai de la Râpée, une immense usine électrique, qui sera une des curiosités de Paris. On admire déjà les manufactures de force et de lumière qui alimentent tels monuments, comme l'Opéra, les grands magasins ou des quartiers de Paris comme le Palais-Royal, l'avenue de l'Opéra, etc.

Nous vivons au milieu d'une féerie perpétuelle. Les miracles de la science cessent de nous étonner, à force d'être grands et multipliés. Le Métropolitain de Paris constitue une des entreprises les plus merveilleuses et les plus originales de notre temps. Il n'a d'analogue en aucune capitale. C'est un chemin de fer extraordinaire et unique, fait pour servir de modèle, et. parmi toutes les attractions de l'Exposition, ce ne sera pas la moins surprenante.
Tout y est combiné en vue de l'utile, mais aussi en vue de l'agrément. Gomme dans toutes les initiatives parisiennes, on y remarque le souci du charme, de la grâce, allié à celui de l'intérêt démocratique La splendeur collective, tel est le caractère des travaux accomplis par la Ville qui n'a pas la prétention d'être la plus grande du monde, niais celle d'être la plus confortable et la mieux appropriée au bonheur de vivre.

VIVE LE MÉTROPOLITAIN!

Mais de quels méfaits préventifs n'a-t-on pas chargé une ligne, pourtant si discrète et si habile à se dissimuler !

Ensuite, le Métropolitain devait être disgracieux par la multitude des stations (on sait comment on a rendu ces stations invisibles), encombrant, s'il était aérien, tapageur et dansgereux, s'il était souterrain. L'électricité, comme nous l'avons dit, a supprimé tous ces inconvénients. C'est la fée toute puissante qui a accompli le miracle de permettre l'établissement, sous Paris, d'une voie pas trop profonde, pas trop large, silencieuse et lumineuse. Sans elle, en effet, le Métropolitain eût été presque impossible.
Enfin, le vice suprême, c'était que ce chemin rapide, commode et peu coûteux, allait favoriser l'exode des Parisiens vers la tranquillité et la fraîcheur suburbaine. A en croire ses détracteurs, le Métropolitain allait faire de Paris un désert, ou, tout au moins, une sorte de cité d'affaires où l'on ne verrait plus que des bureaux, des magasins ou des ateliers, mais que personne ne voudrait plus habiter. De là. dépréciation des loyers, diminution des recettes d'octroi ou des impôts qui les remplaceront un jour ou l'autre.

Est-ce donc encourager l'exode des habitants d'une ville que de la leur rendre plus commode, plus facile à parcourir? N'est-ce pas rendre aux Parisiens le plus immense service que de dégager ses rues de cette masse de véhicules qui en rendent le parcours si peu possible, et que de supprimer ce que Boileau appelait déjà, de son temps : les embarras de Paris ?
Oh ! Parisiens nos frères, combien vous chérirez d'une affection plus satisfaite votre jolie et grande ville lorsque le problème de la circulation y sera résolu de manière si agréable et si confortable, lorsque, avec la rapidité de l'éclair, vous pourrez la parcourir en tous sens, et vous trouver transportés, sans y penser, là où vous appellent vos plaisirs ou vos affaires, lorsque vous serez affranchis de la tyrannie des cochers de fiacre ou de la lourde et lente locomotion des omnibus, avec les perpétuels arrêts et la déception de l'inexorable complet " !

Bientôt, grâce à lui, il ne manquera plus rien à notre Ville pour être celle où il est le plus doux de vivre !
Les travaux seront achevés vers le 1er juin, et bientôt la ligne entrera en exploitation. Ainsi les deux promenades chères aux Parisiens seront reliées l'une à l'autre, et, sans fatigue,
l'amateur parisien des bois pourra déjeûner sur l'herbe de Saint-Mandé et dîner à l'ombre des futaies du Bois de Boulogne.
Les quartiers industrieux et commerçants de l'Est de Paris auront communication instantanée avec les riches hôtels de l'Ouest, les Palais des Champs-Elysées, les avenues voisines cle l'Etoile.
Il n'y a plus de distances !
On se plaint, à bon droit, pour les relations d'affaires, de l'extrême lenteur du téléphone, et aussi de la tardive transmission des dépêches par tube. Si, suivant le proverbe anglais " le temps est de l'argent '", que d'argent perdu !

Vous aurez aussitôt fait de vous faire envoyer, sur l'aile de l'électricité, du Faubourg Saint-Antoine à l'Avenue du Bois de Boulogne et vice versa, que de tourmenter vainement le grelot du téléphone et d'arracher ces demoiselles à leurs charmants entretiens. Sans compter qu'une courte entrevue est plus efficace, pour l'achèvement d'une affaire, que toutes les Conversations télégraphiques ou téléphoniques.
Le Métropolitain commencera à circuler au moment où il sera le plus désirable, c'est-à-dire lorsque l'Exposition battra son plein.
Alors nos grandes artères seront dégagées d'un excédant de voyageurs, en un sens et dans l'autre ; alors nos rues deviendront praticables, et nos cochers peut-être complaisants.
Car le Métropolitain est le mode de locomotion à la fois le plus rapide et le plus agréable. Le nombre de voyageurs qu'il pourra transporter chaque jour est incalculable.

Encore quelques années, et le Métropolitain sera passé tellement dans les mœurs qu'on aura peine à se figurer Paris tel qu'il était avant la construction de son réseau souterrain. De même, nous ne pouvons qu'à grand'peine nous imaginer Paris avant les tramways, les omnibus et les chemins de fer.
Un jour viendra aussi où toute grande ville voudra posséder son chemin de fer électrique souterrain,
C'est en notre capitale que le problème a été. pour la première fois, résolu. Le Métropolitain de Paris est un modèle qui sera imité.
L'un des gérants : H. Denglos.
